• J'ai reçu quelques coups de fil inquiets de France, suite au post "La volonté d'une île". Je vous rassure, c'est un texte qui date de septembre, après qu'une bombe ait explosé à 200m de chez moi, faisant un mort et une vingtaine de blessés la semaine de mon arrivée. J'avais eu la chance de croiser Amin Maalouf avant mon départ, et il était extrêmement pessimiste sur l'évolution de son pays.

    Voir les bagnoles cramer, les gens courir, pleurer, hurler, un immeuble éventré et un quartier défenestré par le souffle de l'explosion, c'est autrement plus impressionnant que sur CNN et ça vous dégoûte sacrément.

    Depuis, les bombes pètent plus loin, et je n'ai pas revécu l'expérience, al hamdulillah.

    En ce moment, c'est plutôt des soirées hilarantes avec des débats fougueux entre un partisan de "l'autoritarisme consultatif ethnodifférentialiste", une militante qui "respire à gauche", un antisioniste convaincu, et un républicain centriste devenu sarkozyste par la force des choses. Bref, c'est animé et on se tape de bonnes barres de rire.

    On rigole moins avec la politique libanaise, vu que le seul type qui avait l'air de dépasser les clivages confessionnels, le général Aoun, a signé un document d'entente avec le Hezbollah, et qu'à son tour il se met à retourner sa veste au gré du vent, au point de rendre jaloux Joumblatt.

    La clé de la survie émotionnelle reste le je-m'en-foutisme, prendre tout ce bordel trop à coeur rend fou.

    Il faut mordre la vie à pleines dents, certes, mais sans s'en casser trop.


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  • Ca y est, j'ai la grippe du poulet. Les plumes qui poussent, le bec qui coule et la crête qui éclate. Je fais donc le fainéant, et me contente de reproduire l'excellent texte de Mohamed Kacimi paru dans Libération. Ce sera long et barbant pour beaucoup, mais toujours bon pour les happy few.

    Les caricatures, en rire !

    La transgression est saine, l'intégrisme commence quand l'homme perd le sens de l'humour.

    par Mohamed KACIMI, écrivain

    Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. Tout le monde ressasse cette formule, apocryphe et prophétique, prêtée sans cesse à Malraux. Comme il est question d'islam aujourd'hui, on oublie que notre visionnaire, foulant pour la première fois la terre d'Orient en 1929, a eu aussi cette fulgurante illumination dans ses Antimémoires : «J'ai découvert l'Orient pareil à un Arabe juché sur son âne et bercé par l'invincible sommeil de l'islam.» Malraux va plus loin dans la prophétie : «Les Arabes sont un hasard dans le destin de l'humanité, la preuve, c'est qu'ils ne se suicident même pas.»

    J'avoue que ces passages me rendent aussi hilare que la lecture de mon préféré Mangeclous.

    Il est vrai que, dès le départ, l'islam et les Arabes ont été considérés, non seulement comme un hasard, mais aussi comme un accident dans le destin de l'Europe. Depuis le Moyen Age jusqu'à nos jours, l'islam en général et le Prophète en particulier ont toujours été perçus comme des passagers clandestins de l'histoire, qu'on débarque ou qu'on ferre à la moindre algarade. De Dante à Oriana Falacci, de la Chanson de Roland à Houellebecq, l'islam et son Prophète ont toujours inspiré la plus profonde aversion aux penseurs et auteurs de l'Europe. Une aversion qu'on trouve aussi bien chez Bayle, Condorcet, Chateaubriand et Vigny, et que résume si bien l'incisif Renan : «L'islam est la plus complète négation de l'Europe, l'islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile, c'est l'épouvantable simplicité de l'esprit sémitique rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tous sentiments fins, à toute recherche rationnelle pour le mettre en face d'une éternelle tautologie : Dieu est Dieu» (Réforme intellectuelle et morale, 1871). Renan poursuit : «L'Europe ne pourra se construire que lorsqu'on aura banni dans le désert pour le laisser mourir de soif, le dernier des enfants d'Ismaël.»

    Ce tableau est à nuancer, l'islam a eu aussi ses partisans et ardents défenseurs, Hegel, Michelet, Auguste Comte, Lamartine, Stendhal et surtout Bonaparte qui vouait un culte au Prophète pour la pérennité de son oeuvre. Le conquérant de l'Egypte rêvait d'appliquer la charia, comme en témoigne sa lettre écrite depuis Le Caire au cheikh El-Messri, le 28 août 1799 : «J'espère que le moment ne tardera pas où je pourrais réunir tous les hommes sages et instruits du pays et établir un régime sage et uniforme fondé sur les principes de l'Alcoran qui sont les seuls vrais et qui peuvent seuls faire le bonheur des hommes.» Certains diront que l'esclavagiste ne pouvait être qu'islamiste.

    Seulement, on ne peut pas dire que cette vision passionnelle, trouble négative de l'islam et du monde arabe soit une invention ex nihilo. Une sorte d'arbitraire du signe sorti tout droit de l'imaginaire de l'Europe ou de l'Occident, n'ayant aucun lien avec la réalité. Cette vision puise ses racines dans une confrontation qui dure depuis les Croisades. De Jérusalem à Lépante, passant par Constantinople, l'islam sent en Europe, l'épée, la poudre et le sang. Cette généalogie de guerres et courses pèse d'un poids très lourd sur la conscience des vivants.

    Aujourd'hui, les musulmans sont responsables de l'image que leur renvoie l'Europe. L'Autre ne peut me restituer que l'image que je veux bien lui donner de moi. Quand on représente un monde féodal de républiques héréditaires et de monarchies tribales, sans libertés, sans démocratie, sans culture contemporaine, sans droits élémentaires, sans d'autre avenir que l'eschatologie, on ne doit pas s'attendre à être couvert de louanges par ses interlocuteurs. Ce monde arabo-musulman est un vaste Goulag, sans Zinoviev ni Soljenitsyne, où Dieu-qui-est-Grand a pris la place du petit-père-des-peuples.

    Et qu'on n'aille pas nous ressortir, ad nauseam, et à chaque flambée de violence, l'âge d'or de Bagdad, l'érotisme des Mille et Une Nuits, les parfums d'Orient, la poésie des souks et des hammams, et la tolérance de l'Andalousie. Une culture ne se juge pas sur les Andalousies qu'elle a connues mais sur les Andalousies qu'elle peut engendrer.

    La force de l'islam de nos jours, c'est qu'il enseigne aux hommes à ne pas désespérer de la vie en la niant tout simplement. Le monde n'est qu'un dérisoire prélude à l'éternité. Et c'est pour cela que des millions de désespérés s'y engouffrent jetant derrière eux le monde réel, comme un vêtement trop sale. Dans cette attitude schizophrénique, tout malheur est la faute de l'autre. L'Occident est à l'Arabe et au musulman ce que le Juif fut au Polonais, coupable de la pluie, des incendies, de la famine et des chagrins d'amour. Religion de blessés et de démunis, l'islam n'accueille donc que des victimes et tous ceux qui ne l'habitent pas sont forcément des coupables.

    Venons-en maintenant à cette histoire de caricatures. Au-delà de l'émotion légitime que peuvent ressentir les croyants devant ce qu'ils considèrent comme un blasphème et une atteinte à leur foi et à leur conviction, il convient de noter que cette campagne d'indignation a été essentiellement orchestrée par les régimes les plus fondamentalistes et les plus totalitaires, du royaume wahhabite d'Arabie, à la tribale Libye, passant par le Fatah dans les territoires palestiniens pour faire pièce au Hamas.

    En jetant quelques hectolitres de lait danois à la poubelle, Riyad prend, à moindre frais, le leadership d'un monde arabo-musulman où il était en perte de vitesse depuis des années. Le geste fait exulter les foules. De Casablanca à Islamabad, chacun se met à rêver du fameux embargo pétrolier de 1973, quand les Arabes, après avoir fermé les vannes de leurs pipelines, avaient obligé les Européens à marcher à pied durant quelques jours. Mais les temps ont changé, ce n'est pas une plaquette de beurre danois qui fond au désert qui mettra à genoux «l'Occident arrogant et coupable». Qu'importe, l'Arabie a réussi son coup. Pour des peuples qui, selon la belle formule de Jacques Berque, «n'attendent qu'une seule chose de l'avenir, qu'il leur restitue leur passé», le roi Abdallah d'Arabie devient un Saladin qui terrasse tous les Coeur de Lion de Rotterdam.

    Je me demande toujours comment ces foules si indifférentes aux violations que portent leurs gouvernants à leur vie, s'enflamment à ce point dès qu'on touche à leur au-delà ? Comment des foules si privées de libertés manifestent, non pour être libres, mais pour fustiger la liberté d'autrui ?

    Quant à la fameuse interdiction de représentation en islam, il est utile de préciser que si, dans la loi mosaïque, l'interdit est plus qu'explicitement formulé, il n'existe dans le Coran aucun verset prohibant la représentation humaine. Mieux, selon les grands chroniqueurs de l'islam, d'Ibn Ishaq à Tabari, le Prophète, aurait, lors de la prise de La Mecque, débarrassé la Kaaba de toutes les idoles païennes pour y laisser à l'intérieur une fresque de la Vierge à l'enfant. Si le sanctuaire sacré n'avait pas été brûlé en 693 avant d'être reconstruit, un milliard de musulmans se seraient retrouvés aujourd'hui priant cinq fois par jour, la face tournée vers un temple abritant les icônes de Marie et de Jésus. Le Prophète aurait donc offert dans le saint des saints de l'islam l'hospitalité aux images qui fondent la chrétienté...

    Quant au fameux hadith attribué au Prophète par son épouse Aïsha et prohibant la présence d'images dans les maisons, l'on sait qu'il a été fabriqué de toutes pièces, sous les Omeyyades de Damas au milieu du VIIIe siècle pour maintenir les populations chrétiennes et musulmanes d'Orient à l'abri du conflit sanglant qui opposait alors à Byzance les «vénérateurs des images» (iconodoules) aux «briseurs des images» (iconoclastes).

    Même de son vivant, le Prophète, qui se voulait plus qu'humain, fut raillé par les poètes de son temps, hostiles à son message. Je pense à Abou Afak ou à la virulente Asma bint Marwan qui traitait déjà les premiers musulmans d'«enculés et de gobe tout».

    Elle sera exécutée en même temps que deux danseuses qui avaient été payées pour chanter contre l'envoyé de Dieu. Le sacré exige la profanation, la foi appelle l'incroyance, le dogme appelle la transgression. Car l'intégrisme commence quand l'homme perd le sens de l'humour.

    Ce n'est pas en jetant de l'huile sur le feu du wahhabisme et encore moins en apportant tant d'eau au moulin du Front national que les croyants d'Europe et d'ailleurs sauveront l'image du Prophète. Et que faire des caricatures ? Mieux vaut en rire comme le dit le Coran VIII, 30 : «Ils (les incroyants) se moquent mais, en matière de moquerie, Dieu est insurpassable.»

    Bravo à ceux qui sont arrivés jusque là, tant pis pour les autres. J'ai envie de rajouter une citation magnifique de je-sais-plus-qui: "Il faut prier comme si tout ne tenait qu'à Dieu, et agir comme si tout ne tenait qu'à nous".


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  • Après une semaine de vacances à crapahuter dans Barbuland, je suis de retour sur blogworld. Ca tombe bien, il s'est passé pas mal de choses au pays des Cèdres et des ambassades qui brûlent.

     

    Les libanais se supportent plus qu'ils ne se tolèrent, et l'Etat tente d'être le garant d'une cohabitation pacifique entre différentes religions, omniprésentes, qui, conjuguées à différents enjeux politiques, ont été sources d'atrocités sans nombres lors d'une guerre civile de quinze ans, chef d'oeuvre de cruauté et de bêtise.

    Les plaies du conflit sont mal refermées, et suppurent de temps à autre, comme lors des émeutes d'Ashrafiyeh où des hordes de barbus ont copieusement saccagé un quartier chrétien de Beyrouth.

    Ces braves gens, qui voulaient s'en prendre au consulat d'un pays, le Danemark, dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence il y a encore 3 semaines, ont commencé par brûler des drapeaux suisses, ignorance crasse oblige, avant de piller un immeuble, d'y mettre le feu, et de tenter d'immoler une église par le Feu Purificateur d'Allah le Chiant Grand.

    Ces émeutes ont été largement couvertes par les medias comme un évènement gravissime.

    Bien au contraire, derrière ces évènements brille une lueur d'espoir pour ce pays.

    Car derrière la manipulation par Damas et Téhéran d'abrutis fanatisés, en grande majorité palestiniens et syriens, se cache une tentative de déstabilisation du pays: le but de l'opération n'était pas de brûler du Danois, mais bel et bien de déclencher une guerre civile.

    Quand la guerre est si proche dans les mémoires, et qu'une bande de zouaves brûlent des bagnoles  et des immeubles, en bas de chez vous, en criant Allahu Akbar, qu'il vous reste quelques kalashs sous le matelas, souvenirs du bon vieux temps au sein des Forces Libanaises, on est tenté d'arroser un peu la foule avec du plomb.

    Et pourtant, il ne s'est rien passé. Le seul mort (à déplorer?) est un émeutier qui s'est intoxiqué avec son propre cocktail molotov. Encore un type à qui il faut pas demander de compter jusqu'à dix...

    Et le miracle est là: noyer la barbe dans le sang aurait très probablement été le facteur déclenchant d'une nouvelle période de ripailles où l'on attache les prisonniers ennemis encore vivants derrière les voitures pour faire le tour du quartier, où les enfants jouent au foot avec des têtes fraîchement tranchées, où les cris des suppliciés sont couverts par les mortiers.

    Ainsi,ni l'armée, ni les chrétiens retranchés dans leurs immeubles,n'ont ouvert le feu, malgré une provocation extrêmement pernicieuse.

    Non, les libanais semblent avoir assez festoyé pour se passer d'une nouvelle ère de barbarie.

    Et ça, ça fait chaud au coeur.

    Car le Liban est le premier cobaye de la tentative de coexistence des confessions. Si ça ne marche pas ici, ça ne marchera nulle part ailleurs.

    Les émeutes ratées de dimanche, qui ne sont pas d'origine libanaise et qui ne concernent qu'une infime minorité de branquignoles n'ayant pas grand chose à voir avec l'islam, font mentir la prophétie (autoréalisatrice?) d'un "choc des civilisations" que tentent allègrement de nous vendre les néoconservateurs et les barbus.

    Un bon point pour l'Humanité.

    Optimistement vôtre,

    OussamaBenLiquid


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  • C'est sur ce mauvais jeu de mot que j'évoque les tensions relatives aux caricatures du Prophète (la guerre, pas l'amour). Rha je viens de récidiver.

    A ce sujet, le bigboss du Hezbollah, mon grand ami Hassan Nasrallah, a eu ce bon mot: si les musulmans avaient eu le courage de descendre Salman Rushdie conformément à la fatwa de Khomeiny, l'Occident n'aurait jamais osé s'en prendre à Mahomet.

    France Soir ayant eu la bonne idée de publier également les caricatures, les français deviennent, comme les allemands et les danois, persona non grata à Barbuland. Ca va me faciliter mon séjour en Syrie tout ça...

    Rappelons quand même que ces dessins sont vieux de trois mois, et qu'il ne s'agit que d'une excuse pour embrigader les masses. Reste plus aux quotidiens occidentaux qu'à sortir deux ou trois vérités historiques dérangeantes (genre "Mahomet était un voleur doublé d' un assassin") pour que les régimes arabes, corrompus et autoritaires, se drapent dans leur dignité blessée pour calmer leurs barbus et masquer leurs propres carences...

    Y'a quand même rien de plus con qu'un abruti qui va vous soutenir que le Coran est descendu sur Terre, comme ça, paf, et que c'est la parole de Dieu à laquelle on peut rien retoucher, alors que les mots contradictoires du Prophète ont été mis par écrit par Othman plus de 20 après sa mort, qu'ils étaient récités dans 7 dialectes différents, que les sourates sont taillées dans les préoccupations économiques et politiques du VIe siècle, qu'elles sont classées selon leur taille, tout bêtement, etc. Au temps pour la parole de Dieu.

    Non ce n'est pas une diatribe, c'est de l'histoire, et y'a beaucoup aussi à dire sur les conneries de la Bible, dont l'Ancien et le Nouveau Testaments sont aussi opposés que les sourates mécquoises et médinoises. 

    Si on peut plus déconner sur les religions, on va finir par interdire les T-Shirts Justin Bridou parce qu'ils offensent les juifs et les musulmans, interdire l'Exorciste sous prétexte que la possédée se branle avec un crucifix, et interdire le Buddha, fromage des Pays-Bas. Fatwa sur le Da Vinci Code !

    Faudrait arrêter de déconner, et relire Fahrenheit 451 pour comprendre où tout ça nous mène. Je suis déiste, ça m'empêche pas de me rire des dogmes.

    Comme si l'humanité avait rien de mieux à foutre que de s'étriper pour savoir s'il faut appeler la transcendance Allah, Jésus, Yahvé ou Krishna...


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  • Un Shtroumpf local

    Vous avez déjà eu vent de certains clivages existant entre les différentes communautés libanaises. Mais je n'ai évoqué que les groupes les plus radicaux, les Forces Libanaises et le Hezbollah.

    Ca ne se résume pas à ça, c'est évidemment bien plus compliqué.

     

    D'ailleurs, je sais même pas par où commencer. Dix-sept communautés confessionnelles ont une existence officielle au Liban, chacune relevant d'un droit privé spécifique appliqué par des tribunaux religieux.

     

    J'en viens à trouver un certain charme à ce perpétuel imbroglio : le bordel, c'est beau quand c'est bien fait.

     

    Ah tiens je vais commencer par la fac. Il y a deux mois, on a eu droit à des élections étudiantes. Pas grand-chose à voir avec la version française, où tout le monde s'en tamponne et où les enjeux électoraux se bornent à savoir quelle bande de joyeux lurons apolitisés va  conquérir la gloire immortelle d'obtenir du conseil d'administration qu'ils changent enfin la machine à café du 3ème parce que l'option « sucre » marche jamais (j'ai fait les CA de Paris V, j'invente rien).

    Ici, les étudiants sont au contraire extrêmement politisés, et ça part facilement en eau de boudin. Ce que j'ai commencé à soupçonner fortement en apercevant un nombre inhabituel de militaires dans la fac. D'autant plus que cette fois ils portaient ostensiblement leurs kalashnikovs dans les bâtiments, et que les vigiles ne m'ont pas laissé rentrer malgré ma carte d'identité française (qui fait office de sésame lorsque j'ai oublié ma carte d'étudiant). J'ai donc poireauté quinze minutes en attendant que la directrice du service Sciences Po puisse descendre m'identifier, quinze minutes à nous faire palper, moi et mon ordinateur, par des molosses sur les dents.

    Malgré ce dispositif sécuritaire imposant, c'est parti en couille : j'ai eu la joie d'assister à la bestialité d'une cinquantaine de belligérants qui se jetaient des chaises à la gueule et se ratonnaient dans les couloirs faute d'être d'accord sur une définition de la libanité. Débat qui n'opposait pourtant que les partisans de Samir Geagea (FL, droite) aux partisans du Général Aoun (Aounistes,  centre). C'est comme si des mecs de l'UDF se bastonnaient au sang avec des types de l'UMP à propos de la réforme de l'ISF.

    Les élections se sont finalement terminées sans incident « grave », y'a seulement eu deux blessés par balles dans une annexe de ma fac, à Tripoli. Ils prennent ça très au sérieux donc.

    Moi pas du tout, j'avais marqué « Bachar El Assad » (le Staline de Syrie) sur mon bulletin de vote, c'est un peu l'ennemi public n°1 au Liban. Après le dépouillement, le bruit s'est répandu sur le campus qu'un « ibn sharmut » (fils de pute) avait osé écrire ça. J'ai trouvé plus sage de garder ma pauvre vanne pour ma pomme et celle des français, on est les seuls que ça a fait rire.

     

    Je sais que tout ça paraîtra fort décousu, mais une lecture régulière de ce blog devrait vous faire comprendre ce qu'à mon grand regret je découvre au quotidien : derrière les grandes affirmations patriotiques, dont la plupart des libanais se gargarisent, se cachent souvent d'hideuses définitions du pays, des conceptions incompatibles avec l'acceptation de l'existence de l'Autre dont ce pays à tellement besoin.

    Souhaitons que le Liban puisse survivre à l'extrémisme de certains de ses habitants, ce dont je doute chaque jour plus fortement.

    P.S: Suite aux publications d'un journal danois comprenant des caricatures du Prophète, ça boycotte le Danemark de partout. Normal, c'est un "acte de racisme ignoble" d'après la Ligue Arabe. Perso, je m'en battrais pas autant la nouille si on trouvait encore des Krisprolls dans le coin.


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