• Sous mes airs désinvoltes et cyniques, je suis une personne extrêmement sensible à qui il arrive de broyer du noir.

    Ce qui est précisément le cas, vu que toute ma famille débarque ici samedi et que je sais pas comment je vais réussir à les occuper pendant une semaine, que les menaces de mort affluent dans ma boîte mail à cause du contenu de ce blog, que je progresse pas en arabe, que mon coloc veut me faire repayer la cuisine sous prétexte que je l'ai faite cramer en tentant de faire des frites, que je me suis fait bouffer ma carte bleue par un distributeur barbu, que j'ai plus un rond et qu'il y a déjà trop d'enfants qui font la manche ici pour espérer en faire une activité assez rémunératrice, que ces bourricots de Palestiniens ont voté majoritairement pour le Hamas, que je suis entouré de femmes superficielles, que Julien et Olivia se sont barrés en Syrie, que la France et ses séductions de l'existence me manquent. Bref. Vous aurez compris que j'en ai un peu ras le cul.

    Surtout après avoir vu le dernier blockbuster du Moyen Orient. Une "comédie" égyptienne nommée "L'ambassade dans l'immeuble" (traduction littérale). C'est l'histoire d'un type qui rentre en Egypte après avoir bossé 20 ans dans le Golfe. Qui se rend compte qu'une ambassade israélienne a ouvert dans son immeuble. Au début c'est drôle. Il est pas content le bougre, ses amis lui parlent même plus vu qu'habiter si près de juifs, c'est déjà une petite trahison.  Avec l'accumulation de clichés antisémites, le spectateur occidental reste persuadé, pendant la majeure partie du film, que ça va se terminer en appel bon enfant à la tolérance et à l'amitié entre les peuples.

    Ca finit par condamner définitivement les Israéliens comme un peuple de fourbes, en manifestation populaire monstre avec pour fond sonore le dernier tube à la mode dans les boîtes du Moyen Orient: 'Ana bakrahou Israël', "Je hais Israël".

    Un beau film sur la tolérance donc, qui fait un carton, et qui m'a été chaudement recommandé par la prof de "Prévention et Règlement des Conflits" de la fac.

    Envoyez vos dons pour mon billet d'avion, j'ai besoin d'un bon break là quand même.


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  • Banderole du souk de Damas:version française

    Puisque ce blog se distingue par une affligeante vacuité, c'est sans honte que je poursuis la narration d'inepties en tous genres.

    Voilà donc un petit récit des perles vécues lors d'un voyage en Syrie le mois dernier.

    Tout d'abord Damas est une ville dont le vieux quartier ravira tout amateur de ruelles, échoppes et coupe-gorges. (Le reste, c'est de la banlieue sauce socialiste avec les immeubles à moitié finis que l'on sait : ils ont le chic pour construire des ruines).

    Le souk, absolument magnifique, est truffé de porte-manteaux (burka, avec la grille), de ninjas (hijab, on voit quand même les yeux) et de pingouins (je ne connais pas la traduction exacte, mais avec ce type de voile y'a même pas de grille, les femmes doivent se démerder pour voir à travers leur tissu noir, ce qui fait qu'elles se cognent un peu partout vu qu'en fait elles y voient que dalle.)

    Rien à voir avec Beyrouth donc, de la rue Monot et de ses mini-jupes ras la salle de jeu avec vue sur l'arrière cour en prime. Autant la jet-set libanaise prend ce qu'il y a de plus mauvais en Occident, autant la jet-set syrienne... ah ben non, y'a pas de jet-set syrienne, enfin si, mais c'est des militaires.

    J'ai trouvé touchant de voir les enfants jouer à Damas : tu leur mets un escalator dans la rue, pour eux c'est Eurodisney.

    Je suis allé là-bas avec le fidèle Thomas, syrianophile et ex-gendarme de son état. Le bougre connaît bien son affaire, et nous a dégotté un petit bar chrétien à Babtouma, un des rares endroits où on sert de l'alcool. Vu notre inaptitude à cacher notre francité, surtout dans ces 10m² de débauche et d'impiété, la conversation a été vite engagée avec trois Syriens, au demeurant adorables, dont un parlait un français irréprochable.

    C'est là que ça part en vrille, puisque forcément on a commencé à parler politique, enquête Mehlis oblige.

    « Nous pensions que la France était un pays ami. Pourquoi Chirac accuse-t-il aujourd'hui injustement la Syrie du meurtre d'Hariri ? »

    Faut savoir qu'ici, la liberté de la presse ils connaissent pas. Que la photo de Bashar Al Assad, profession dictateur, est omniprésente. Et que la plupart des mâles portent sa petite moustache, quand c'est pas une barbe dans laquelle on pourrait planquer 3 mois de bouffe ou 5 kilos de TNT.

    Et nous voilîmes donc (« voilà » au passé) en train de marcher sur des œufs, embarqués dans une discussion risquée : toute critique du régime est sévèrement réprimée, et la Syrie, comme l'URSS dans ses plus belles années, grouille d'indics à la solde du pouvoir. D'où notre extrême précaution.

    Qui ne nous sauva pas d'une balkanisation de la discussion d'ailleurs. Et c'est ainsi qu'on se surprend à découvrir les ressorts intimes de ces théories du complot qu'affectionne tant la rue arabe.

    Récapitulatif des scoops de la soirée :

     

    - le 11 septembre 2001 est un attentat judéo-croisé contre les arabes. La preuve, c'est que les  4000 juifs travaillant dans les tours ont été prévenus la veille  par email et qu'aucun juif n'est mort ce jour là vu qu'ils ne sont pas allés bosser.

    Pour info, cette rumeur a en fait été lancée par Al Manar, la télé du Hezbollah, 10 jours après le drame. Quant au fameux mail, personne ne l'a jamais vu, bien sûr, parce que ces sales juifs l'ont tous effacé. Ils sont hyper solidaires et discrets quand même.

     

    - Al Qaëda n'existe pas. Les attentats en Irak sont organisés par le Mossad (services secrets israéliens) pour justifier l'occupation américaine.

    C'est avec force hochements de tête que nous confirmions ces affirmations (parce que "les Occidentaux sont victimes de la désinformation et de la propagande sioniste"). Ils nous ont trouvés super sympas, et ils nous ont même offert la soirée. Il va sans dire que je m'appelais Antoine ce soir là.

     

    Nous sommes rentrés dormir chez une copine, Marie, qui habite dans une sorte de foyer.

    Thomas ayant squatté sa chambre, je tentai tant bien que mal de dormir sur les 1m20 du canapé de la cuisine collective où s'invitent rats et cafards, bien que leurs excréments, en nombre sur le simulacre de couverture à ma disposition, me tinrent plus chaud que le poêle à mazout qui, coupé à l'eau, prenait un malin plaisir à s'éteindre.

    Vers 4h du mat', Abou Moussa, adorable octogénaire et propriétaire des « lieux », débarque dans la cuisine et sort une bouteille de pinard local : du vinaigre au bon goût de liège qui ne gagnera jamais aucune médaille nulle part vu que même Dédé le Poivrot oserait pas y tremper ses lèvres. Mais c'était un grand moment.

    Abou Moussa ne parle pas un mot d'anglais ni de français, mais sa patience lui a permis  de me faire comprendre son point de vue sur « la folie des libanais qui veulent s'affranchir de la tutelle syrienne » : d'après lui, bi loubnan, fi majnin bas (« au Liban, y'a que des tarés »).

    J'ai appris plus en une heure qu'en 2 ans à Sciences Po, c'est pourquoi je vais partir un mois chez lui pour prendre des cours de langue intensifs et m'immerger dans cette culture arabe si fascinante et déroutante à la fois.

     

     


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  • Brice dans toute sa splendeur

    Un membre de mon entourage libanais, ignoblement dénommé Brice bien qu'il soit à moitié Koweïtien, a engrangé en 5 mois assez de vidéos compromettantes pour saboter tout espoir d'une carrière sérieuse une fois revenu en Chirakistan. Cette graine d'émeutier s'est lancé dans une vaste entreprise cinématographique visant à compiler, sous prétexte de gaudriole, les moments les plus navrants de notre vie étudiante locale. Souvent indissociables de cet Arrak qui vaut tous les complots judéo-croisés. 

    Les Alex, Mathieu, Stick, Abdul la Moule ("Le Plus Mauvais Musulman du Monde") et autres Charlots sont ainsi croqués dans leur intimité la plus pénible, celle où ils se débarassent de l'excédent de boisson par voie buccale, ainsi que d'une appréciable quantité de boustifaille. N'est pas GoldArrak qui veut (je décerne le titre - bientôt posthume- à Julien, qui sort tout droit d'un film de Kusturica.)

    Pour ma part, il m'a affublé du sobriquet de Liquidator, et il s'est permis, l'infâme et fallacieux fourbe, de filmer en cachette mes plus grands moments de récitation poétique, et ça ressemble pas vraiment à du Goldman (bien que les récipiendaires de ces vers soient aussi majoritairement des touffes). Faut que je fasse disparaître les preuves avant que les Chiennes de Gare et les Mi-Putes Mi-Soumises réclament mon extradition.

    Heureusement que ce bon Brice n'était pas là quand je me suis fait casser la gueule en boîte pour avoir dansé un rock endiablé avec une digne représentante de la gent clitoridée. Qui malheureusement s'est avérée mariée, et ce avec un spécimen jaloux et teigneux dont les trois potes étaient quand même super forts.

    Mais n'allez donc pas croire que tout ici n'est que décadence, c'est pareil à Aix en Provence.

    Sauf que les chasses au string sponsorisées par l'alcool de framboise de ce bon vieux Gran'Pa Blouny se terminent mieux. Aaaah, France, doux pays de l'adultère...


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  • « Le fondamentalisme est à la religion ce que l'herpès vaginal est au cunnilingus. »

    Cheikh Oussama Ben Liquid

    Oui, j'aime bien me citer, ça met du piment dans la conversation, surtout à celles que j'ai pu avoir le malheur de débuter avec les étudiants de ma fac. Celle-ci est majoritairement sous la férule idéologique des Forces Libanaises – FL- (vous savez, les milices chrétiennes sympas qui ont fait Sabra et Shatila pour se fendre la gueule entre potes), et ça donne des situations cocasses : des étudiants dont le faciès les ferait contrôler dix fois dans le quart d'heure sur les Champs Elysées n'hésitent pas à parler de ces « sales arabes », parce que non bien sûr eux le sont pas, ils sont « phéniciens », oui môssieur. Y'en a même qui me demandent avec candeur comment ça se fait qu'en France on n'ait pas encore compris que Le Pen est la seule solution pour se débarrasser de tous ces sales musulmans qui nous feront une bonne guerre civile un jour ou l'autre.

    A ce propos, le traitement médiatique local des festivités organisées en banlieue par nos chères petites crapules encapuchonnées a été tellement grotesque que les Libanais ont confondu le nombre de bagnoles brûlées (plus de 4000), avec le nombre de morts (un ou deux). Donc d'un côté les jeunesses hezbollistes se sont fendues d'une fatwa encourageant les « jeunes musulmans opprimés des banlieues » à se soulever contre un Etat impie qui empêche les filles de porter le voile à l'école, et de l'autre côté du spectre politique, qui ici se confond malheureusement beaucoup avec la religion, les FL ont expliqué, sourire aux lèvres, que c'est pas faute d'avoir tenté de prévenir que les musulmans allaient tenter d'instaurer la République Islamique du Frankistan.

    Qu'est ce qu'on rigole.

    Encore mieux que le point de vue politique, y'a le point de vue de la rue : dans un taxi, un chauffeur chiite tellement couleur locale que je l'ai cru sorti d'une carte postale, tente d'engager la conversation alors que les méchouis d'innocentes Fiat Panda battaient leur plein en France. La discussion sommaire que m'a permis mon arabe médiocre se résume à celle-ci :

    « -Vous êtes pas d'ici vous, vous êtes d'où?

    - Je suis français, pas américain !    (faut toujours préciser, ça les détend)

    - Ooooh français ! Mais y'a la guerre en France !

    - Euh... c'est pas vraiment la guerre, c'est seulement des voitures qui brûlent...

    - Non j'ai vu à la télé, c'est la guerre. C'est encore ces fils de pute d'Algériens qui foutent la merde partout ! »

    Après mûre réflexion, j'ai renoncé à la consternation, mieux vaut en rire que de s'en affliger ou même de s'en foutre.

    Mais qu'on vienne plus me parler de panarabisme.

     


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